Conférence prononcée à Gand, publiée dans Quarto n°56, décembre 1994, p 23-30

Mots clés : expérience, gadget, magie, père, religion, science, ségrégation, théorie sexuelle infantile,

 

 

Psychanalyse et science

 

La première fois que j’ai vu le docteur Lacan, j’étais de passage à Paris, et je suis allé à son séminaire. J’ai vu un homme — de très loin, c’était à l’amphithéâtre du Panthéon, à la faculté de droit — qui s’est mis à hurler : “La psychanalyse est à prendre au sérieux. Elle est à prendre au sérieux parce qu’elle n’est pas une science. Elle n’est pas une science parce qu’elle est irréfutable.” Les épistémologues reconnaîtront la référence à Popper et à son critère de réfutabilité à propos de l’articulation entre la psychanalyse et de la science. Or, je ne suis ni épistémologue, ni philosophe. Je suis psychiatre, praticien de la psychanalyse et il m’arrive de parler de psychanalyse, mais pas spécialement d’épistémologie. C’est un sujet dans lequel il est facile de s’égarer, tant les définitions de la science même varient. Mes collègues rappelaient tout à l’heure à quel point Popper est actuellement dépassé. Je me suis donc interrogé sur l’enjeu de cette question “Psychanalyse et science” ?

 

Elle se pose depuis les débuts de la psychanalyse : Freud, tout comme Lacan, n’a jamais cessé de se situer par rapport à la science. Il me semble que l'enjeu en est double. En premier lieu, il s'agit de protéger le public, en forçant la psychanalyse à démontrer sa valeur scientifique. Il faut l’authentifier, pour la distinguer des pratiques de charlatanerie : qu’est-ce qui nous assure qu'elle n’est pas, derrière un rideau théorique, une l’exploitation de la crédulité populaire, ou, au mieux, de l’hypnose sophistiquée  ? À cette interpellation qui consiste à faire rendre des comptes à la psychanalyse répond, du côté des psychanalystes, la nécessité d’une justification. Certains textes de Freud vont dans ce sens et le psychanalyste est toujours tenté de se justifier par une caution scientifique qui légitimerait ce qui peut être admis au titre de la vérité.

 

Lacan a pris les choses différemment. Il a évolué tout au long de son enseignement, et a été amené à formuler de plus en plus radicalement un savoir du psychanalyste qui ne serait pas assimilable à la science. La psychanalyse n’est pas une science, c’est pour ça qu’elle est à prendre au sérieux, comme je le citais plus  haut. Dans le vocabulaire de Lacan, quand il est question de sérieux, c’est toujours de la série qu’il s’agit. C’est la série du “un par un”. Il réfute ainsi l'objection de l’expérimentation comme définissant la science et plutôt que de viser à inclure la psychanalyse dans la science, il avance le projet d'une redéfinition de la science à partir de la psychanalyse. Néanmoins, il reste une limite, la psychanalyse n’est pas une science parce que, disait Lacan dans la même période tardive de son enseignement, “les psychanalystes sont les savants d’un savoir dont ils ne peuvent s’entretenir”([1]). Le savoir des psychanalystes ne peut pas faire l’objet d’entretiens, d’énoncés. Ce qui n’empêche pas les psychanalystes de parler, et d’abondance, de psychanalyse. Mais l'opération sur laquelle Lacan s'est appuyé et qui lui permet d’avancer une formule comme celle-ci est la dissociation entre la vérité et le savoir. Il les distingue, mais pour articuler ce qui les lie, au contraire du discours de la science. L’une n’est pas sans rapport avec l’autre. Ainsi a vérité aura d'abord rapport avec le savoir, le savoir articulé, en tant qu’elle l’excède, que jamais le savoir ne peut venir à bout de la vérité. Plus tard, avec les quatre discours, il distinguera la vérité comme place et le savoir comme l'un des quatre termes des discours.

 

Cette disjonction entre vérité et savoir est en jeu, opératoire dès l’aurore de la psychanalyse, quand Freud se met à écouter les hystériques. Ces hystériques, souvent des femmes, s’adressent à celui qu’on appelle le maître, à celui qui dicte les lois, lois de la santé, le médecin ; lois de la croyance, le prêtre, ou lois de la cité, le dirigeant. Elles s'adressent à lui avec un symptôme qui laissera le savoir impuissant. Viser l’impuissance du savoir, voilà à quoi se dévoue l’hystérique. La réponse traditionnelle des maîtres a été plutôt radicale, ils se sont débarrassés de l’hystérique. Quand il s’agissait du médecin en la taxant de simulatrice : “Il n’y a dans ce symptôme rien à distinguer, c’est une simulatrice, dehors donc ! — hors du champ sacré du savoir, que ces simagrées, ces gesticulations éhontées viennent salir.” Freud, lui, a écouté les hystériques. Son premier pas a consisté à prendre au sérieux ce qui, précisément, ne trouvait pas à se loger dans le savoir, et qui apparaissait comme symptôme inclassable. C’est une formule de Lacan : “le symptôme, c’est le retour de vérité dans les failles d’un savoir”. Il y a toujours des failles dans le savoir : le savoir ne peut pas se refermer sur lui-même ; c’est un rêve, éventuellement une paranoïa, qu’un savoir puisse se refermer sur lui-même. Les épistémologues nous diront qu’il y a là une impossibilité logique et radicale.

 

Donc, dès le départ de la psychanalyse, la question de la vérité affrontée au savoir se pose. Mais ce début a mal tourné, d’après Lacan, parce que les élèves de Freud ont ramené la découverte décisive de l’inconscient dans l’ornière de la psychologie traditionnelle. Lacan renvoie le retour de la psychanalyse dans la psychologie générale à son soubassement scolastique et le condamne avec une véhémence souvent très forte. Il correspond au retour de la théorie unitaire du sujet, avec le retour corrélat de l'idée de l'harmonie de la relation d’un sujet à son monde, que précisément Freud avait mise en question. Lacan, avec son retour à Freud ranime la distinction entre la psychanalyse et la psychologie et met l'accent sur la division du sujet. C’est un point constant dans son enseignement, au-delà de toutes les variations de sa formulation : le sujet est toujours déjà divisé. Voilà la clé avec laquelle Lacan attrape l’apport de Freud. L’apport freudien, c’est celui de l’inconscient, celui de la détermination logique des symptômes, des actes et des rêves d’un sujet, selon une logique qui se joue sur une autre scène. Cette autre scène implique la division.

 

Pour définir l’objet de la psychanalyse, Lacan avance que le sujet de la psychanalyse est strictement le même que le sujet de la science moderne, lequel se définit justement de s’être coupé, sans retour possible, de la scolastique médiévale. C’est du nom de Descartes que s'identifie cette coupure, à partir du cogito, qui est un sujet dès l’abord évanescent. Après Descartes viennent Galilée, Képler, Copernic, et enfin Newton, qui est pour la science, non pas le fondateur, mais celui qui a un effet d’acte, dit Lacan, l’effet d’acte que produit une symbolisation correcte.

 

Lacan, dans “Radiophonie”, à la suite des travaux de Koyré, met en avant à propos de Newton la notion de champ, de champ de gravitation, qui ne veut rien expliquer. C’est la phrase célèbre de Newton : “Je ne pose pas d’hypothèses”. Le champ de gravitation n’explique rien, il rend compte. “La notion de champ n’explique rien, mais seulement met noir sur blanc, soit suppose qu’est écrite ce que nous soulignons pour être la présence effective non de la relation, mais sa formule dans le réel”([2]). L’équation mathématique rend compte de la chute des corps, l'écriture du phénomène à partir de petites lettres est identifiée à la structure. Quand s'écrit la structure d’un phénomène, sa loi donc, l'écriture a un effet d’acte qui se soutient d'une symbolisation correcte. Pour Lacan la  science procède de cette “charte” — terme impliquant une dimension d’engagement, d’implication subjective radicale. La charte des sciences exacte a permis la science, cette formidable modification de la question de la causalité, par l’écriture de la formule dans le réel.

 

Or la charte des sciences exactes manque aux sciences dites par Lacan conjecturales, ces sciences habituellement appelées sciences humaines. Cette idée ne semble pas spécifique à Lacan puisque je lisais tout récemment encore un article sur l’histoire des sciences, dans lequel l’auteur remarquait qu’il manquait aux sciences humaines, aux sciences conjecturales, le Newton qui permettait de se déprendre de la “présence effective de la relation”. Lacan ne dit pas autre chose et il se veut rien moins que le Newton des sciences conjecturales. Il le dit en toutes lettres : “Je ne pose pas d’hypothèses”, c’était la charte des sciences exactes, “avant que je ne l’impose à la correction des conjecturales”([3]). Il ne se propose pas un objectif, il affirme l'avoir réalisé.

 

Il s'emploie donc à définir le savoir en jeu dans la psychanalyse, ce savoir qui se veut ne pas poser d’hypothèses, en tout cas pas l’hypothèse du sujet unifié.

 

C’est ainsi que dans “La science et la vérité”, il va distinguer le savoir de la psychanalyse de celui de la magie, de celui de la religion et de celui de la science, de tous ces champs connexes vis-à-vis desquels le psychanalyste est toujours suspect. Suspect ou d’en être trop loin, ou d’en être trop près. Suspect ou de faire appel à la magie, ou de ne pas être assez scientifique.

 

Il situe le savoir dans la religion comme révélé et en distingue la psychanalyse qui se refuse à un savoir révélé mais relève d’un savoir qui se produit dans l’expérience d’une cure. C’est le point irréfutable de l'expérience de la psychanalyse : vous laissez quelqu’un parler un tant soit peu, il finira irrémédiablement par vous parler de ses parents. Il s'agit là d'un effet du transfert, lui-même irréfutable : il est présent pour peu qu’un sujet s’adresse à quelqu’un et que ce quelqu’un donne son écoute.

 

La magie par contre suppose un savoir caché qui implique une initiation. D'où la question : est-ce que la formation des psychanalystes est une initiation ? La psychanalyse didactique a été imposée aux psychanalystes à partir de 1918 à l’IPA, à l’initiative de Ferenczi. Ce problème de la formation par une psychanalyse dite didactique est au centre de tous les conflits institutionnels qui ont traversé la psychanalyse. Parler de la formation du psychanalyste et de la psychanalyse didactique, c’est s’assurer de déchaîner les passions, les dissensions et les scissions, encore aujourd’hui. Cela s’est passé autour de Lacan, cela s’est passé avec la passe, et il n’y a pas si longtemps encore, une crise a secoué l’ECF autour de ces questions. Malgré cela, le savoir de la psychanalyse, obtenu dans la didactique, ne se veut pas un savoir auquel le sujet est initié.

 

A l'inverse de la magie, le savoir de la psychanalyse partage avec le savoir scientifique le fait qu’il est transmissible. Le savoir analytique est transmissible a toujours fortement affirmé Lacan. Mais pas de la même manière que le savoir de la science.

 

Avant d’aborder la question de la transmission, il faut différencier ces savoirs. Il est clair que le savoir analytique n’est pas le savoir scientifique. La formule la plus connue, la plus simple, de Lacan concernant le savoir scientifique est celle de “l’idéologie de la suppression du sujet”. C’est dire que la science ne veut rien savoir du sexuel. La science peut vouloir en savoir sur les genres, mâle ou femelle, l’espèce, la biologie de la reproduction. Elle s’en est occupée abondamment mais elle ne veut rien savoir du désir en tant qu’il est sexuel, ce qui a amené Lacan a dire que le savoir sexuel est forclos par la science. “Forclos”, est un terme qu’il utilise à propos de la psychose ; c’est un terme juridique qui désigne ce qui n’a pas droit à l’existence, qui est rejeté hors du champ des relations reconnues. Moyennant quoi, le savoir inconscient fait retour, comme tout ce qui est forclos, dans le réel. Il fait retour dans le réel, le plus souvent par la religion, qui prend en charge de la question du désir, pour en alléger le sujet, pour le mettre au compte de l’Autre, de l’Autre de la révélation. Ainsi, religion et science, loin de s’opposer et se combattre, comme on l’a cru pendant longtemps, marchent main dans la main. Plus la science avance et forclôt la question du désir, plus elle se complète d'un lieu où s’adresse le sujet pour y loger son interrogation sur le désir et sur le sexuel. Science et religion sont compagnes sinon complices, alors que de l’autre côté, il y aurait la psychanalyse.

Quelles relations établit la psychanalyse avec la science ? Le symptôme analytique n’a pas sa place dans la science, dans la régularité de la science. Le symptôme par contre fait l’objet essentiel du travail analytique. Pour commencer une analyse, il faut avoir un symptôme dont le dispositif analytique fait qu'il est adressé à l’autre. La vérité subjective n’est pas la vérité scientifique universelle mais l’inconscient particulier. Lacan qualifiait joliment la découverte de l'analyse, ce qui s’est passé entre Freud et les hystériques, de “roman” de Freud : le roman de ses aventures avec la vérité. Il ne serait pas pertinent de situer sur un même plan le travail scientifique.

 

Cependant Freud définit le savoir inconscient comme le produit d’une recherche. Celle de l'enfant qui élabore les théories sexuelles infantiles.

La psychanalyse ne se réduit pas à elles, mais elle permet de les mettre en évidence. Le sujet fait ce travail dans son enfance, pour répondre à ses questions sur le désir, c'est à dire sur son être pour le sexe et son être pour la mort. Freud a écrit des passages très frappants sur cette volonté de savoir, cette quête impérieuse de l’enfant qui cherche à rendre compte de ce dont il pâtit. Le sujet freudien, c’est d’abord et avant tout un sujet à qui il arrive des choses qu’il ne comprend pas et qui le dérangent. C’est la rencontre traumatique avec une jouissance. Dans les articles comme “L’organisation génitale infantile” ou “Le déclin du complexe d’Œdipe”, il est patent que c’est cette rencontre traumatique qui amène le petit sujet à aller interroger l’Autre, à quêter dans l’Autre une réponse à la question de “Qu’est-ce que c’est que ça ?” Qu’est-ce que cette rencontre avec une jouissance qui se marque sur le corps, et est le plus précisément imagée par l’excitation sexuelle ?. Sur ce point, l’Autre ne lui signifie rien sinon, par son silence, un interdit Le sujet va ainsi construire ses théories sexuelles infantiles, des théories seront toutes vouées à l’échec.

 

En effet, les théories sexuelles infantiles sont toujours partielles, toujours inachevées, parce qu'il manque quelque chose au sujet freudien, la clé dernière, qui est double. Dans le roman freudien, la clé dernière est d'une part la satisfaction orgasmique qui mettrait un terme à l’excitation. L'excitation reste donc toujours suspendue, indéfiniment maintenue, ne connaît pas de scansion. Ce qui manque d'autre part, c’est, comme le dit Freud, la connaissance, dans ces théories, de l’existence du vagin. La théorie élaborée par le sujet est toujours inachevée et insuffisante, parce qu'il va la construire, pour donner signification à ce qui s’empare de lui, à partir de ce qu’il trouve dans l’Autre parental. Pour le sujet, la sexualité est toujours construite à partir de ce que les postfreudiens ont appelé le prégénital, que Lacan a réinterprété à partir de la grammaire des objets de la demande. Ce qui s'échange entre le sujet et l’Autre qui s’occupe de lui se passe autour d’un nombre limité d’objets : l’objet oral, l’objet anal, auxquels Lacan a rajouté les objets du désir, le regard et la voix. Se faire nourrir, se faire soigner, se faire entendre, se faire voir, c’est de cette manière que le sujet entre dans la relation à l’Autre. Une relation qui pour le sujet prend signification sexuelle et qui lui indique en termes phalliques ce que l’Autre veut, attend de lui. “Attend”, il faudrait le mettre au conditionnel, parce que c’est de l’ordre du fantasme, c’est une construction du sujet, de notre chercheur à qui il manque l'élément décisif.

 

Mais la théorie sexuelle infantile n’était pas la théorie psychanalytique. La théorie psychanalytique, consiste à tirer des conséquences de la nécessité incontournable des théories sexuelles infantiles. Ainsi Lacan, à ses débuts, a mis l’accent sur la vérité. Il valorisait la vérité comme étant ce qui dans le symptôme fait retour parce est empêché de s’articuler en paroles. Nous en avons l'exemple célèbre de l’homme aux rats. L’homme aux rats souffre d’obsessions. Lacan rapporte ce symptôme à ce qui chez le père a fait défaut symbolique : il n’a pas permis que se défasse suffisamment l’identification du sujet avec l’objet qu’il est pour la mère, un objet à signification phallique. La faute du père lui-même que Lacan relève, non pas dans la biographie de la famille, mais dans le discours de l’homme aux rats tel que Freud le transcrit, porte sur les lois d’échange, les lois de la parole. Le père a joué au jeu la solde du régiment et a pour cela risqué le tribunal militaire. Un de ses ami lui a prêté l’argent pour éviter ce déshonneur mais il a dû quand même quitter l’armée et s’établir dans la vie civile. Il s'est cru obligé d’épouser la jeune fille riche qui se présentait plutôt que la jeune fille pauvre pour laquelle il avait un certain penchant. Lacan reprend ces éléments pour montrer qu’il s’agit à chaque fois de manquements aux lois de la parole, aux lois de l’échange symbolique qui sont supportées par le Nom-du-Père. Le Nom-du-Père devrait permettre de se déprendre du poids par trop écrasant de la théorie sexuelle infantile, qui doit finir par être oubliée, refoulée du fait de l’Œdipe et du complexe de castration. La vérité fait retour dans le symptôme de l’homme aux rats, par ses obsessions qui sont une protestation contre la situation symboliquement viciée dont il hérite, un protêt comme le dit Lacan. La protestation de l’homme aux rats exprime la vérité d’une impossibilité dans la constellation familiale qui a présidé à sa naissance. Il a hérité d’une situation impossible, "pervertie", puisque les lois de la parole et de l’échange entrent en contradiction avec ce qui s’est effectivement passé. Lacan utilise ces mêmes lois avec sa lecture du petit Hans. Le nom du père comme répondant de la loi de l’échange et de la parole va ainsi prendre de plus en plus d’importance. Mais, et c’est le point que je souhaite accentuer, Lacan ne s’arrêtera pas là.

 

Il va reprendre, avec Freud, la question du complexe de castration, et à ce moment la vérité va subir chez lui une dévaluation très forte. Va venir à la place le savoir. Lacan repart du complexe de castration qui impose pour les deux sexes un seul organe de référence, le phallus. Le phallus n’est pas le pénis mais le signifiant qui symbolise cet organe pénien comme pouvant manquer. L’un et l’autre sexe auront à se situer par rapport à lui, soit comme l’ayant, soit comme ne l’ayant pas. Ainsi Lacan va amener progressivement la formule la plus réduite de son enseignement, la plus forte, celle qui inclut les développements freudiens et les dépasse, son célèbre “Il n’y a pas de rapport sexuel”. Le sujet a donc rapport avec le signifiant d’un côté, et avec l’objet de l’autre. A partir de cette division, le partenaire du sujet se construit, il n’est pas donné d’emblée. La sexualité chez le "parlêtre" se trouve par là "dénaturée". Lacan est ainsi conduit à modifier sa théorie du père, dont la fonction était au départ de métaphoriser le désir de la mère, d'instituer l’alliance, le lien. Plus Lacan met l’accent sur le fait que les partenaires du sujet sont le signifiant et l’objet, plus il va mettre en question la référence à l’Œdipe. Cette évolution est d'une certaine manière imposée par la clinique : un père n’est jamais un saint, et ce qui cloche pour l’homme aux rats peut se retrouver chez beaucoup de personnes. Il y a toujours quelque chose qui échappe aux lois symboliques de l’échange, qui est fautif.

 

Dans le séminaire “R.S.I.”, Lacan définit la fonction du père. À la même époque, il fait de même dans les notes à Jenny Aubry : “Son nom doit être le vecteur de l’incarnation de la loi dans le désir”([4]). Le nom du père, vecteur de l’incarnation de la loi dans le désir est une formulation qui n’est pas tout à fait compatible avec les formulations précédentes, où la loi et le désir étaient une seule et même chose. Là, le désir est plutôt du côté de l’objet et il faut que la loi s’incarne dans le désir. Il précise que si l'incarnation ne se fait pas, c’est la psychose. Dans RSI il avance que la fonction du père ne se limite pas à respecter la loi de l’échange, de la parole mais qu'il représente une exception, une “fonction d’exception” : “un père n’a droit au respect sinon à l’amour que si ledit amour, ledit respect est — vous n’allez pas en croire vos oreilles — [par rapport à ce qu’il a dit précédemment, il annonce un petit bouleversement] père-versement orienté, c’est-à-dire, fait d’une femme, objet a qui cause son désir.”([5]) L'accent est autre que dans ses développements antérieurs, ceux du “Tu es ma femme”, de la reconnaissance symbolique. Lacan poursuit en disant que “ce qu’une femme en accueille ainsi n’a rien à voir dans la question.” Ce n’est pas une relation symétrique, ce n’est pas la femme comme objet cause du désir de l’homme et l’homme comme objet cause du désir de la femme. Au contraire, la relation qui s’ouvre vers un tiers : “Ce dont elle s’occupe, c’est d’autres objets a, qui sont les enfants, auprès de qui le père pourtant intervient en prenant soin paternel”. Lacan précise qu’il faut et qu'il suffit que le père soit un modèle de la fonction : “La normalité n’est pas la vertu paternelle par excellence …peu importe qu’il ait des symptômes, s’il s’y ajoute celui de la père-version paternelle”.

 

Il s'agit là d'un point tournant qui nous permet de reconsidérer la question de la psychanalyse et de la science dans l’enseignement de Lacan.

 

Que veut dire faire d’une femme l’objet cause de son désir ? Cela implique que certes, l'homme lui parle, certes la symbolisation est en jeu, mais qu'en plus, au cœur de cette symbolisation, il y a quelque chose qui du père échappe à ce qu’il peut articuler, à ce qu’il peut dire : l'objet cause du désir, l'objet a qui n’est pas représenté par le signifiant. Il y a quelque chose qui ne se dit pas, qui ne peut pas s’expliquer, qui ne peut pas se justifier, et qui à l’occasion peut apparaître comme faute. D'où la question de ce qui distingue ce symptôme-là de n'importe quel autre, pour donner son poids à la fonction paternelle ?

 

Le père, dans cette perspective, ne peut plus être celui auquel le sujet peut s’identifier pour accéder à sa position sexuée, le père ne peut plus être celui par lequel le sujet peut savoir ce qui se passe dans la relation sexuelle. Au fond, la question du sujet est : que se passe-t-il dans la relation sexuelle ? Et tous ceux qui supposent que le contenu de la scène primitive est sexuel, justement, sont à côté. Il y a assurément une scène où se s'inscrit la relation du père à la mère mais la question est de savoir ce qui s'y déroule  Que ça concerne le père et que ça mette en jeu le consentement de la mère, c’est clair, mais il n’y a pas de rapport sexuel veut dire qu’il n’est pas possible de trouver les termes signifiants d'une formulation qui identifie ce qui se passe entre eux.

 

Le savoir inconscient du sujet, va consister dans la construction d'une réponse à cette énigme. Par exemple, la réponse : “on bat un enfant”, ou “le père bat la mère”. Parler de symptôme du père implique la forclusion de la signification sexuelle du rapport ; il n’y a pas de rapport sexuel. Comme pour tout ce qui est forclos, le rapport sexuel fait retour, dans des signifiants autres. À partir de ce qui a été donné à un sujet, son histoire, ses choix aussi, le sujet construit sa réponse, c'est à dire construit son fantasme. Autant Lacan au début mettait l’accent sur le symptôme incluant la vérité sexuelle et sur son déchiffrage, autant dans la deuxième partie de son enseignement l’accent est mis sur le fantasme, dans son usage fondamental. L’usage fondamental, c'est faire suppléance et donner signification à ce qui n’est pas inscrit dans l’Autre, dans le langage. A partir de ce fantasme dans sa valeur fondamentale le sujet va instituer la répétition dans sa relation à l’Autre, l’Autre du même sexe ou l’Autre de l’Autre sexe. Le fantasme est la matrice première, primordiale, de sa pantomime pour toute son existence.

 

Pourquoi ce fantasme fondamental se construit-il nécessairement par la médiation de la mère comme objet cause du désir du père ? Parce que la mère est là pour représenter la castration. Il faut que le père s’intéresse à autre chose qu’à une voiture ou au football, il faut qu’il s’intéresse à un objet châtré pour que se mette en place l’énigme causée par le manque chez l’Autre. C’est l’objet manquant de la mère qui vient fixer dans sa dimension phallique le désir du père.

 

Le cheminement de l’analyse consiste à dégager progressivement le savoir inconscient, c’est-à-dire les fantasmes qui sont des remaniements, des configurations différentes du fantasme dans sa valeur fondamentale. C’est aussi bien mettre en lumière la valeur fondamentale de ce fantasme, fantasme particulier à chacun. Enfin, il y a ce que Lacan a appelé traversée du fantasme, qui est l'abandon de la réponse dernière à l’absence de rapport sexuel, le deuil de la suppléance. Cela mis à jour , le sujet doit pouvoir avoir un rapport différent au savoir. Un rapport au savoir qui lui permet de ne plus doubler de la signification sexuelle, c'est à dire phallique, unaire, l’élaboration de savoir. Le savoir inconscient, est le savoir qui soutient la signification du sexe. Donc le mettre à nu, le traverser, l'exclure, modifie le savoir d’une manière telle qu'il n'ait plus une fonction de suppléance au rapport sexuel qu’il n’y a pas.

 

Nous voici ramenés à une certaine équivalence avec le travail scientifique, puisque la science procède de la forclusion du sujet, de la valeur sexuelle du désir. Mais d'une part, pour la forclusion dans la science, la vérité sexuelle fait retour, dans le gadget et dans l'appel à la religion. D'autre part dans la psychanalyse il n'y a pas forclusion mais interprétation de la signification sexuelle du savoir. Le savoir reste ainsi toujours lié à la signification sexuelle. C’est d’ailleurs, on le constate, ce qui cause les inhibitions de certains savants. On a pu montrer comment certains préjugés, soutenus par des fantasmes sexuels, ont empêché des chercheurs de faire certaines découvertes, sur des points qu’il avait pourtant à portée de la main.

 

Un savoir qui ne ferait pas forclusion de la vérité sexuelle et qui n’en serait pas pour autant affecté, voilà le pari de Lacan. Ce pari de Lacan a des conséquences sur la formation des analystes, sur sa théorie du désir de savoir et sur la tâche précise qu’il assigne à la psychanalyse. Pour la premier point, la formation des psychanalystes, il ne s’agit pas d’exiger du sujet qu’il croie à l’inconscient, comme le voulait Freud. Il ne s’agit plus d’exiger du sujet qu’il assume son être-pour-le-sexe et son être-pour-la-mort, comme Lacan le voulait au début. Il s’agit pour un sujet “d’avoir cerné la cause de son horreur”, de son horreur de savoir. L'objectif de la psychanalyse est de cerner la cause de son horreur de savoir. Le savoir inconscient, les théories sexuelles infantiles, sont un savoir fabriqué pour voiler un savoir dont on ne veut pas, le savoir que le père, le symbole, l'Autre, ne peut pas tout. Le symptôme du père représente le défaut structurel, radical de l’image paternelle. Il n'y a pas d'assurance véritable à s’appuyer sur le père, et tout le symbolique menace de s’engouffrer dans ce trou. D'où le choix du sujet, “tout mais pas ça”, n’importe quelle théorie sexuelle infantile, mais pas le savoir qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Ce savoir ne s’atteint pour chacun en propre que dans son analyse. Le sujet y apprend progressivement comment il a construit ses suppléances, ses couvertures, ses défenses à cette horreur de savoir. Défense après défense, cette horreur de savoir doit être surmontée, le sujet doit s’affronter au manque de savoir, pour qu'à terme ce manque de savoir produise un désir de savoir nouveau.

 

Sur ce point aussi, Lacan a varié : avant d'avancer le désir inédit, il a affirmé qu’il n’y avait pas le moindre désir de savoir. La défense n’est pas un désir de savoir, elle est foncièrement un “je ne veux pas savoir…qu’il n’y a pas rapport sexuel”. La défense est une invention de rapport sexuel. Par contre, il y a un amour du savoir qui fait le support du transfert et qui n’est pas le désir de savoir. Aimer le savoir, c’est supposer le savoir à l’Autre, pour continuer à supposer l'existence de l’Autre. Supposer un savoir à l’Autre, c’est toujours la pente religieuse. De ce point de vue, la psychanalyse exploite, sans user du pouvoir qu'il lui confère, l’appel à l’Autre qu’il faut séduire pour obtenir ses bonnes grâces.

 

En plus des conséquences de cette redéfinition du savoir sur la direction de la cure, nous pouvons en dégager les conséquences sur la transmission de la psychanalyse à propos de laquelle Lacan donne une place essentielle à ce désir de savoir, et les conséquences éthiques, à propos des tâches de la psychanalyse. Lacan considère que le psychanalyste a une tâche à remplir, par laquelle il s’égalerait à la science. Non qu’il ferait de la psychanalyse une science, mais il s’égalerait à la science, d’arriver à faire ce qu’a fait Newton, ce que Lacan considère avoir fait avec son : “il n’y a pas de rapport sexuel”. Cette tâche serait d’arriver à “démontrer que ce rapport sexuel est impossible à écrire”([6]). Il ne suffit pas de vérifier au cas par cas que nos fantasmes sont des suppléances au rapport sexuel qu’il n’y a pas, il s’agirait de démontrer, une fois cette formule newtonienne produite, que le rapport sexuel n’est pas affirmable, mais aussi bien, pas réfutable au titre de la vérité. Arriver à formuler l’écriture de l’impossibilité, voilà l’horizon épistémique que Lacan assigne à la psychanalyse. Il dit d’ailleurs que, accédant au réel, du coup la psychanalyse détermine ce réel aussi bien que la science. Aussi bien ne veut pas dire de manière identique.

 

*

Concluons en développant un autre versant que le versant épistémique, par la façon dont Lacan reconsidère la science à partir de sa production de l’objet a, cet objet cause du désir qui ne trouve pas à se loger dans le signifiant, l’objet du manque. Lacan définit aussi la position du chercheur scientifique, dont il identifie le désir à la position hystérique. Il produit du savoir en s’excluant comme sujet, en se mettant hors-jeu, à la manière de l’hystérique qui amène son symptôme en se mettant hors-jeu. Lacan distingue donc le scientifique du discours de la science, dont il dit qu’il a des effets qui se font de plus en plus sentir à notre époque. Je vais conclure sur ce point, probablement le plus vif pour un psychanalyste dans sa pratique quotidienne. Il s'agit des conséquences quotidiennes de l’extension du discours de la science sur les sujets que nous sommes, sur les corps que nous sommes. Lacan aborde la question des produits de la science non pas par la question de ses fondements, mais par la question de ses effets sur les sujets.

 

La science produit une pullulation de ce qu’il appelle les gadgets, qui nous submergent. Au-delà des gadgets à consommer, que l’on peut acheter, posséder, vendre, donner, qui sont pris dans l’échange des bien, il y a les gadgets liés à ce que Lacan appelle les objets du désir, qui ne sont pas des objets matériels : le regard et la voix.

 

Il indique que nous sommes entièrement sonorisés par les ondes. Il va jusqu’à dire, à propos de l'envoi d'êtres humains sur la lune, que ce qui l'avait permis était non seulement la science physique mais le fait que les astronautes étaient connectés en permanence par radio avec la terre. Se maintenait ainsi une relation de parole, dans laquelle ce qui compte est moins la signification de ce qui est dit que la mise en jeu de l’objet voix. L’objet voix se promène maintenant tout seul à travers le monde il permet de promener les sujets qui lui sont accrochés. L’objet a, cause du désir, est ce à quoi le sujet est appendu, ce dont il est un effet. Le sujet n’est pas le maître de l’objet, il est produit, divisé par l’objet. Aussi loin qu’iront les ondes sonores, aussi loin que la voix sera portée, aussi loin elle pourra envoyer le sujet. Ainsi pour Lacan, la forme actuelle du discours dominant, celui de la science, consiste moins à refouler ce qui ne va pas qu'à contrôler le tissu, la couverture de ces ondes, sonores et visuelles qui accentuent la "médiatisation". Nous sommes tous de plus en plus les sujets de ces petits appareils que nous croyons maîtriser, les sujets de la voix et du regard anonyme et universel.

 

La voix et le regard dans l'économie libidinale des objets du désir impliquent toujours l’Autre, avec la signification sexuelle de l'échange. Mais par le discours de la science, la voix et le regard sont détachés, sans Autre. La conséquence de la forclusion du sujet dans la science est que l’objet peut courir tout seul, sans signification de désir mais non sans valeur de jouissance.

 

Lacan en déduit des conséquences assez inquiétantes : il a prédit avec force le développement des effets de ségrégation dans la société, du fait de l’universalisation, de la massification introduites par la science. Par exemple, la prise en masse des sujets s'accompagne d'une pente à l’unisexe, au gommages des repères symboliques différentiels et des conduites qu'ils commandent. Ces phénomènes se constatent quotidiennement et ils posent des problèmes considérables aux sociologues et aux juristes. Plus généralement, Lacan allait jusqu’à affirmer que le drame du nazisme était aussi bien du à l’avancée du discours de la science et n'était qu'inaugural.

 

De ce drame du nazisme il a dit qu'il n'avait été qu’une répétition générale et que le discours de la science nous y amenait logiquement. Logiquement, parce que la science a dénudé l’objet du désir, l'a disjoint de sa prise par la fonction du père qui le symbolise par la castration en même temps qu'elle le néantise dans la réalité. Par la science, le retour dans le réel de cet objet fait que le désir se fait immédiat, non médiatisé. Il s’attaque comme volonté de jouissance à l’objet, dans une consommation sans limite qui se signe par sa destruction. Le désir, s’il n’est pas freiné, métaphorisé, pris dans l’articulation signifiante par la fonction du nom du père, est une machine aveugle qui fonce sans frein.

 

Lacan l'exprime à propos du sacrifice à la fin du Séminaire XI : “le sacrifice signifie que dans l’objet de nos désirs, nous essayons de trouver le témoignage de la présence du désir de cet Autre”([7]), cet Autre qu’il qualifie de Dieu obscur. Il s'agit de saisir l'objet, le consommer jusqu'à son sacrifice pour en lui trouver le signe de la présence espérée de l'Autre. Lacan s'appuie aussi sur Kant pour montrer que le désir à l’état pur aboutit au sacrifice de l’objet d’amour et à son meurtre.

 

Nous arrivons à la question de la tâche qu’il assigne à la psychanalyse : si la psychanalyse peut avoir une place par rapport à ces réalités qui seront de plus en plus présentes, c’est au titre de la mise en acte d’une éthique, qui doit se différencier des “humanitaireries de commande” auxquelles se réduisent aussi bien les comités d’éthique divers qui n'en peuvent mais… Beaucoup de gens certes, parmi les mieux intentionnés, sont inquiets des conséquences de la science, déjà mesurables, moyennant quoi ils mettent en place des comités d’éthique. Ceux là font appel au bon sens, à la bonne foi, en fait à leurs préjugés, même innocents, et on sait bien que dans n’importe quelle situation un peu tendue, de conflit armé par exemple, ils n'auront qu'à se taire. Le fondement, me semble-t-il, de la question de la psychanalyse et de la science est l'articulation transmissible en raison d'une éthique du désir. Celle-ci est liée à la castration, c’est-à-dire à la négativation de l’objet et malgré tout à la parole et au pacte symbolique.

 

Un exemple  Cette semaine, dans le quotidien Libération il y avait un article d’un de nos anciens collègues lacaniens qui pousse des cris de vierge effarouchée parce que le législateur a permis aux transsexuels le changement de sexe. C’est nouveau, c'est un effet de l'Union Européenne. La commission européenne a considéré que la loi française n’était pas européenne car restrictive donc, à partir de maintenant, le transsexuel français a le droit de changer de sexe au nom de sa liberté individuelle et de la liberté de l'usage de son corps, et je ne sais plus quoi encore. C’est évidemment une sottise monumentale, nous sommes tous, les analystes, à peu près d’accord aujourd’hui sur ce point. Mais le problème, c’est de dire pourquoi c’est une sottise. Il ne suffit pas de dire que ça ne se fait pas. Justement, ça se fait, des chirurgiens bricolent des choses pareilles tous les jours, et ils vont en bricoler beaucoup d’autres bientôt.

 

Ça ne se fait pas parce que l’objet du désir, il ne sert à rien de courir après. L’objet du désir n’a de prix qu'en tant qu’il est d'abord perdu. Ce qui compte alors quand un sujet demande à changer de sexe, c’est d’entendre. Entendre une demande, même s’il s'agit d'une intervention chirurgicale. Il ne s'agit certainement pas de dire “Mais oui, mon vieux, vous avez raison, faisons en sorte qu'il y ait adéquation entre votre chose et votre intellect”, mais il ne s’agit pas non plus de faire appel à la morale et à la tradition. Saisir qu’un objet n’a de prix que par rapport à l’accès qu’il permet au désir ne peut se faire que par l'entremise de la psychanalyse, celle que Lacan nous a transmise.

 



Notes

 

 

([1]) J. Lacan, “De la psychanalyse dans ses rapports avec la réalité”, Scilicet 1, p.59.

([2]) J. Lacan “Radiophonie”, Scilicet2/3, p.75.

([3]) Ibidem.

([4]) J. Lacan, “Deux notes sur l’enfant”, in Ornicar ? n°37.

([5]) J. Lacan, R.S.I., Ornicar ? n°3, p.107.

([6]) J. Lacan, “Note aux Italiens”, Ornicar ?

([7]) J. Lacan, Le Séminaire, Livre XI, p.247.